Chargé de communication au sein d’un club de football historique, Pierre Roure est un véritable couteau suisse au . Il évoque avec nous son quotidien sur les réseaux sociaux et son rapport avec les supporters.
Bonjour Pierre, pouvez-vous tout d’abord nous parler de vous, de votre parcours ? Pouvez-vous nous présenter l’équipe dont vous faites partie ? Comment êtes-vous arrivé au poste que vous occupez actuellement ? Quelles sont vos missions ?
Je travaille au FC Sochaux-Montbéliard en tant que chargé de communication depuis février 2015. J’ai d’abord intégré le club dans le cadre d’un stage de 4 mois, puis j’ai été embauché. Ma mission première était de renforcer le contenu vidéo, et je continue aujourd’hui à réaliser deux à trois vidéos par semaine sur des thématiques variées. J’épaule également mon collègue et responsable de la communication, Fabien DORIER : j’interviens entre autres sur la production de contenu pour le site au quotidien, l’animation des réseaux sociaux, les relations presse, la création de visuels, le marketing et l’événementiel.
Sur quels réseaux sociaux le club est-il présent ? Y a-t-il des différences en termes d’utilisation, de communication ou de public entre chacun d’entre eux ?
Nous sommes principalement présents sur Twitter et Facebook, avec une petite présence sur Vine. Nous essayons de ne pas trop nous disperser et d’évaluer la pertinence d’une présence sur un réseau social. Pour être présent sur Instagram, par exemple, il faut être capable d’alimenter le compte de façon régulière, ce qui n’est pas possible actuellement. Il n’y a pas d’intérêt à y être présents si nous n’y sommes pas actifs.
De par leurs caractéristiques propres, on est forcément obligés de distinguer Facebook et Twitter. Sur le ton utilisé, on a tendance à être plus neutre sur Facebook, qui est un peu le prolongement du site officiel. On a un peu plus de liberté sur Twitter, et une plus grande proximité avec nos followers. Je pense que c’est le premier intérêt de cet outil. Nous avons des conversations avec les supporters ; parfois on se fait chamailler sur des questions auxquelles on ne peut pas répondre, mais ça fait partie du jeu.
Globalement, on fait très attention à ce que l’on dit sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter où l’on est dans l’instantané. Il faut être habile dans sa communication. On travaille dans l’intérêt du club, donc on ne peut pas tout dire, mais il est important de « lâcher » quelques informations et de s’ouvrir aux gens.
Vous avez brièvement introduit Périscope dans votre communication, mais celui-ci a été abandonné. Quelle expérience en que vous en avez eu, et pourquoi cet outil n’a-t-il pas été pérennisé ?
Nous sommes en veille permanente sur les nouveaux outils de communication, sur ce qui se fait de nouveau et qui pourrait être intéressant à utiliser. Fabien a découvert Périscope et a décidé d’essayer. Je pense que nous avons été l’un des premiers clubs de Ligue 2 à utiliser cet outil. On a d’abord filmé quelques entraînements, et on a diffusé la conférence de presse du 6 juillet 2015 (première conférence de presse de Ledus, nouveau propriétaire du club, ndlr). On a apprivoisé Périscope au fil du temps, en apprenant de nos erreurs, notamment au niveau du cadrage. Malgré quelques difficultés techniques, les retours ont été plutôt positifs, et on nous demande régulièrement quand est-ce que nous renouvellerons l’expérience. Malgré tout nous restons prudents sur le direct : une phrase d’un joueur en conférence de presse peut rapidement être mal interprétée. Cela dit, nous n’avons pas abandonné cet outil, que je trouve génial. Nous voulons simplement l’utiliser de la meilleure façon possible, et nous n’avons pour l’instant pas eu l’occasion de le mettre à nouveau à profit.
Quels outils de reporting utilisez-vous et à quelles fins ? Y-a-t-il des éléments que vous analysez spécifiquement ?
Faute de temps à y consacrer, nous n’utilisons pas d’outils de reporting capables de nous fournir des statistiques poussées. En revanche, nous regardons ce qui a bien fonctionné ou pas, si telle publication a été bien reçue ou non, mais sans forcément chercher à l’analyser en profondeur. Nous nous contentons des informations que les outils que nous utilisons nous fournissent ; Tweeter offre maintenant des statistiques intéressantes, par exemple. Au-delà de ça, nous ne sommes pas dans une logique de course aux « likes » ou aux « reteweets ».
Accompagnez-vous les joueurs et éventuellement le staff sur l’utilisation des réseaux sociaux ? Ont-ils des consignes ?
À chaque début de saison, nous avons l’occasion de nous présenter à l’effectif du club durant une réunion générale, et on leur explique certaines choses concernant les réseaux sociaux, mais cela reste succinct. On pourrait sans doute imaginer une réunion dédiée aux bonnes pratiques sur les réseaux sociaux et à leurs enjeux, mais elle n’existe pas encore.
Comme les supporters, nous suivons les joueurs sur les réseaux sociaux, donc nous sommes au courant de leurs publications, mais nous n’avons pas de rôle de « modérateur ». En revanche, nous les accompagnons notamment sur la certification de leurs comptes. Nous sommes également disponibles s’ils ont des questions ou des demandes particulières.
Leur communication sur les réseaux sociaux va au-delà de notre service, notamment sur les aspects stratégiques du prochain match. Les joueurs peuvent parfois être un peu trop dans l’envie de communiquer avec leurs fans et oublient la portée de ce qu’ils publient. Cela peut se retourner contre eux ou contre le club, mais c’est plutôt le staff technique qui pose les limites aux joueurs.
Cette saison, la Ligue de Football Professionnel a intégré dans son « Championnat des tribunes » un aspect social, en mesurant l’engagement des supporters par des « likes » pour chaque match à domicile. Que pensez-vous de cette mesure ?
Nous demandons également aux supporters de « liker » une publication Facebook ou de nous retweeter les soirs de match. Cela permet de créer une émulation autour de ce match, de montrer aux joueurs qui sont présents sur les réseaux sociaux qu’il y a du monde qui les soutient.
La mesure introduite par le Ligue de Football Professionnel (LFP) fait donc plus ou moins écho à ce qu’il se fait chez nous ou dans d’autres clubs, je ne peux donc pas la critiquer sur ce point. Disons qu’à titre personnel, ça me laisse indifférent. En revanche, on peut saluer le travail de la LFP, qui essaye d’améliorer sa présence au niveau de la Ligue 2 et de la rendre plus attractive, avec notamment la création de comptes dédiés à ce championnat.
Le club traverse une période mouvementée, avec son rachat par LEDUS, le changement de direction et d’entraîneur, … Comment cela a-t-il influencé votre communication ? Y-a-t-il eu des changements dans vos objectifs ?
La transition entre la vente du club par Peugeot et l’arrivée du nouveau propriétaire a été un gros chantier. La direction nous a fait une entière confiance pour organiser médiatiquement l’arrivée de Ledus. Ils ont été très à l’écoute de nos propositions, afin que la transition se fasse dans la douceur. Le logo, notamment, est resté dans « l’esprit sochalien », les couleurs du club n’ont pas été changées. C’était une vraie volonté de leur part de rassurer le public qui était un peu dubitatif vis-à-vis d’eux. Ledus est une entreprise chinoise et le football ne fait pas encore vraiment partie de leur culture. Notre rôle était donc de transmettre un message rassurant, par exemple à travers le slogan « La saga continue » qui véhicule une idée de continuité. Je pense que le défi a été réussi ; les retours ont été positifs et le public n’a pas perdu ses repères.
Notre travail en lui-même n’a pas beaucoup évolué après le rachat du club. La principale différence vient du fait que Ledus a également racheté le club dans une logique de communication et d’image. Notre service est donc le premier concerné par cet objectif, qui est de communiquer à travers le club. Nous sommes à l’écoute de leurs besoins, mais nous n’avons pas d’objectifs quantitatifs à atteindre.
Depuis qu’Albert Cartier (nouvel entraîneur de l’équipe première, ndlr) est là, on essaye de produire beaucoup de contenu autour des entraînements ; nous avons créé un hashtag dédié : #entraînementFCSM. Nous avons beaucoup de demande par rapport à ça, car les gens ne peuvent pas toujours assister à ces entraînements. On essaye donc de communiquer autour de cette thématique.
Cette période où les résultats ne sont pas au beau fixe est propice aux taquinages et mécontentements des supporters sur les réseaux sociaux. Il y a notamment eu des réactions assez vives concernant l’ancien coach, Oliver Echouafni. Y a-t-il des discussions en interne sur la conduite à tenir ? Votre rôle impliquant d’être présent également dans ces situations difficiles, comment gérez-vous cela ?
La critique fait partie du jeu. Notre rôle est avant tout de d’informer le public et répondre à ses demandes. Nous nous devons de rester totalement neutres, ne pas prendre parti, et surtout ne pas oublier que nous parlons au nom du club. Même si cela peut paraître un peu convenu, j’aurais tendance à dire que cela fait partie du football. Lorsque la situation n’est pas bonne, nous sommes en première ligne. Cela dit, je comprends tout-à-fait les règles de ce « jeu », ayant également été supporter.
Nous avons plusieurs dizaines de supporters influents sur Twitter, qui constituent en quelques sortes le noyau dur. Ce sont eux les plus critiques vis-à-vis de notre travail, mais ce sont aussi les plus passionnés et on se doit de les écouter, au même titre que tous les supporters.
Justement, effectuez-vous une veille sur les forums de supporters ?
J’en ai fait, notamment lors du rachat du club, pour prendre le pouls et me rendre compte des réactions des supporters. Je voulais savoir quel accueil était réservé au nouveau logo ou aux nouveaux maillots par exemple, afin de savoir si nous étions sur la même longueur d’ondes ou s’il y avait des choses à rectifier. C’est important de rester en éveil par rapport à ça, de ne pas uniquement regarder la presse, mais aussi de consulter les forums de supporters, car c’est là que se trouvent les passionnés.
En dehors de votre travail, parvenez-vous à « décrocher » de votre rôle de Community Manager ? Utilisez-vous les réseaux sociaux dans votre vie personnelle ? En avez-vous une vision différente du fait de votre métier ?
C’est un style de vie particulier ; on ne peut jamais vraiment décrocher. Il faut être en veille permanente et être prêt à publier un communiqué le week-end ou à une heure tardive comme c’est souvent le cas lors du mercato. Il faut savoir être disponible et réactif, être capable d’être au fait de ce qu’il se passe, vérifier si quelque chose a été posté et pourrait porter atteindre au club, par exemple. C’est encore plus facile d’être « sur-connecté » avec les smartphones. Je suis au courant de ce qu’il se passe immédiatement. Pour décrocher complètement, il faudrait que je coupe mon téléphone, et pour moi ce serait mal faire mon travail.
On a la chance d’être deux à s’occuper de la communication du club, ce qui permet de s’arranger dans certaines situations. Il faut aussi savoir que nous ne nous occupons pas que de la communication autour de l’équipe première. Un club de football professionnel comporte par exemple des équipes CFA, U19, U17, U15, et on se doit de communiquer également sur leurs résultats de façon réactive.
Florent Pagnot
Etudiant en Licence professionnelle COMEN, curieux et en veille permanente. Mon parcours professionnel m'a permis d'appréhender plusieurs aspects de la communication, avec notamment la création d'une auto-entreprise de graphisme. Touche-à-tout, j'aime découvrir sans cesse de nouvelles choses et renouveler mes connaissances.
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