Alexandre Delamaire a travaillé durant plus de deux ans pour Bethesda, une compagnie américaine de jeux vidéo et principale filiale du groupe ZeniMax Media. J’ai eu l’occasion de l’interviewer alors qu’il occupait encore cette fonction.
Bonjour, pouvez-vous nous parler de votre univers professionnel, et de votre parcours ?
Community Manager est une activité que j’exerce en plus de mon rôle principal que chef de produit France, lequel consiste à mettre en place les campagnes marketing pour les jeux Bethesda dans l’hexagone (sous la supervision et les conseils avisés de la directrice marketing). Comme nous sommes une petite équipe très soudée, il m’arrive aussi de pouvoir toucher aux relations presse, grâce à la bienveillance de notre RP. Le succès de Bethesda France (NB : je parle ici de la société avant de parler des jeux) tient sans doute en grande partie à ce fonctionnement en cellule restreinte, qui permet à l’équipe d’être très réactive et transversale, tout en limitant les coûts. D’où le fait que j’ai été amené à exercer deux activités en parallèle, le temps que la partie CM soit suffisamment conséquente pour justifier un poste dédié à plein temps.
Concernant mon parcours, j’ai fait une prépa littéraire, puis le (communication). Ensuite j’ai travaillé en tant que planeur stratégique dans diverses agences de publicité, de tailles et d’expertises très variées (de la création pure au versant média, en passant par le branded content). C’est d’ailleurs ainsi que j’ai fait la connaissance des équipes françaises de Bethesda, qui faisaient alors partie des clients de l’agence pour laquelle je travaillais. Comme je commençais à avoir envie de changer d’air et qu’ils cherchaient une personne en plus, la connexion s’est faite assez naturellement; d’autant que je suis un fan de longue date des jeux des studios Bethesda (j’avais écrit un à sa sortie, qui avait connu un certain succès ; et avant ça, j’étais déjà tombé amoureux de la série The Elder Scrolls au point de participer au projet de traduction en Français de Daggerfall, le PFD ; et je ne préfère même pas parler des FPS id Software ou des jeux d’Arkane Studios, car je risquerais de m’étendre !).
Avez-vous toujours été attiré par le monde du jeu vidéo ?
Sans surprise, j’aime les jeux vidéo depuis longtemps. Mais alors que je commençais à m’intéresser un peu plus profondément au game design (= l’ensemble de règles et théories qui préside à la construction d’un système de jeu), je n’ai pu m’empêcher de remarquer certains parallèles entre des logiques de game-designer et des problèmes de communication tels que ceux que mes études m’amenaient à traiter. Au final, dans les deux cas, l’objectif est souvent (pas toujours, certes) de créer un espace / une situation dans lequel une personne sera potentiellement plutôt encline à faire telle action que telle autre. Définir un cadre, orienter les personnes… ce sont des problématiques récurrentes que l’on retrouve vraiment dans ces deux mondes, car ils visent tous deux à créer des systèmes.
Mais même si j’ai toujours été attiré, à titre personnel, par le jeu vidéo et les problématiques qu’il soulève, je me suis longtemps gardé de vouloir exercer une activité – commerciale, forcément, vue ma formation – en rapport avec ce dernier. En effet, ce n’est pas parce qu’on aime un film qu’on aimerait pour autant faire le travail promotionnel autour, ni qu’on en est capable. Idem pour le jeu vidéo. Mais bon, l’envie de m’éloigner un peu du milieu de la publicité a pris le dessus, et j’ai quand même fini par me laisser tenter !
Avez-vous des conseils à donner à ceux qui souhaiteraient se lancer dans le monde du jeu vidéo ?
Il n’est pas rare, dans le monde du jeu vidéo, que les community managers soient eux-mêmes d’anciens fans de la marque, issus des blogs et des forums. Et cela a clairement ses avantages : personnes passionnées et qui connaissent bien le produit etc. Pour autant, il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui le community management va bien au delà de la simple gestion de fans / animation de communauté. Il y a tout une partie data très intéressantes, qui peut informer les campagnes marketing et aider à mieux cibler les messages (Facebook est une vraie mine d’or à ce titre). C’est une compétence qui est de plus en plus demandée et c’est aussi celle qui, à mes yeux, peut permettre à un CM de balayer l’image de simple « blogueur officiel » qui lui est souvent collé. Et puis les données permettent aussi de combattre certains effets de biais qu’on peut avoir en tant que CM ; même si la data a aussi ses limites : les likers d’une page de marque, sur lesquels on dispose d’un certain nombre de données permettant a priori de rationaliser une stratégie de communication, ne sont pas forcément toujours les clients de la marque.
Le monde immédiat d’un community manager demeure somme toute restreint, centré exclusivement sur le online et l’instant présent. Or, parfois, certains micro-phénomènes se retrouvent ainsi surestimés. Bien que sur le Net certains événements puissent sembler importants, c’est loin d’être toujours aussi révélateur ou générateur de changements durables qu’on le pense. Par exemple, qui se souvient encore du qui pouvaient s’ouvrir avec un simple stylo ? Ça avait été un véritable désastre à l’époque, un bon gros bad buzz qui avait pris comme une traînée de poudre. Et ils n’avaient sans doute pas de CM comme on en a aujourd’hui pour essayer de gérer ça. Et bien 10 ans plus tard, ça n’empêche pas la marque d’être encore bien présente partout dans les magasins en Amérique du Nord. Ils ont juste réagi par d’autres canaux. Et notamment via des actions concrètes (échange gratuit de tous les cadenas concernés par d’autres avec un nouveau système); actions qui ont toujours bien plus de poids que de belles paroles sur un blog / Twitter. Après tout, les gens auxquels une marque parle sont avant tout des clients – et c’est d’abord sur la qualité de ce service qu’ils attendent quelque chose. Que la marque soit cool et distrayante, pourquoi pas, mais ça viendra toujours bien après dans leurs considérations.
Envie d’ajouter quelque chose ?
Le choix de la marque pour laquelle on travaille en tant que CM est capital, c’est évident. Mais le critère le plus important pour choisir son employeur potentiel, à mon avis, devrait être moins l’attractivité globale de la marque que sa taille. Les grandes organisations – a fortiori internationales – laissent fatalement moins de liberté d’initiative et de ton pour qui ne siège jamais que dans une petite filiale locale, loin du QG central.
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